Après 1675 jours consécutifs d’écriture, je mets fin à mon défi.

Le 2 mai 2016, j’ai ouvert une page blanche et je l’ai intitulée Jour 1. Mon but était de voir combien de jours consécutifs j’étais capable d’écrire, après tant d’années où mes mots se manifestaient de manière imprévisible.

Le 2 décembre 2020, soit 1675 jours plus tard, j’ai fait le choix de ne pas écrire. Continuez votre lecture pour découvrir les raisons qui m’ont poussée à mettre fin à ce défi.


L’écriture a toujours été la principale — et parfois même la seule — certitude de ma vie. J’ai toujours su que peu importe qui je deviendrais, ce que je ferais, je trimballerais avec moi un balluchon de mots prêts à être déballés.

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Lorsque j’ai lancé mon défi d’écriture quotidienne sur un coup de tête, je ne m’imaginais pas que j’allais le maintenir pendant 4 ans et demi. À cette époque-là, une seule semaine me paraissait comme le plus gros des exploits.

J’ai eu 1675 occasions pour abandonner. Je garde en mémoire les nuits où, brûlante de fièvre, je me réveillais en panique et me tirais hors du lit pour composer quelques centaines de mots à travers mes paupières entrouvertes, avant de retrouver mon sommeil comateux.

Au-delà de mes propres souvenirs, j’ai désormais un million de mots pour figer dans le temps ma vie des quatre dernières années. Je m’amuse parfois à revisiter des journées du passé ; j’y lis une voix qui a déjà été la mienne, mais qui ne l’est plus tout à fait.

Écrire tous les jours a été un immense bénéfice à ma vie. C’est le plus beau cadeau que mon passé ait pu offrir à mon futur. Avant que celui-ci ne devienne empoisonné, je me dois à moi-même de l’arrêter.

Au cours de la dernière année, j’ai commencé à jeter de plus nombreux coups d’oeil impatients au bas de l’écran pour vérifier mon compte de mots de la journée. J’ai commencé à me présenter à ma page quotidienne en traînant un sentiment de devoir, et non d’envie. J’ai commencé à soupirer à l’idée de cette « tâche » qui m’attendait.

Une page ne devient vivante que par la vie qu’on lui donne, et je me suis sentie coupable toutes les fois où je l’ai laissée mourir entre mes doigts. Je me suis accrochée à l’espoir qu’il ne s’agissait que d’une phase de basse créativité, une autre parmi les hauts et les bas habituels de ma productivité. Mais quatre mois ont passé sans que j’aie réussi à me replacer.

J’ai finalement compris qu’il était temps pour moi de mettre fin à mon défi lorsque, après avoir fixé une date d’arrêt potentiel, je me suis soudainement mise à imaginer toutes les choses que j’allais pouvoir écrire suite à mon abandon. De nulle part, une panoplie d’articles, d’idées, d’histoires ont défilé dans ma tête — des projets que je n’avais pas l’énergie d’accomplir aujourd’hui, mais sur lesquels je me sentirais capable de travailler avec plus de liberté.

Cette image du futur m’a parue séduisante, mais surtout soulageante. Au fil du temps, j’avais commencé à croire que si mon écriture quotidienne était aussi stérile, c’était la faute de mon amour pour les mots qui s’asséchait. Bien au contraire, j’ai découvert que songer à arrêter mon défi éveillait en moi la même excitation que celle qui m’habitait le jour où je l’avais lancé.

Il est difficile pour moi de ne pas écrire en ce 2 décembre 2020. Ce rituel est si profondément enraciné à mon quotidien que je me suis surprise à ouvrir mon document d’écriture par réflexe, déjà prête à enchaîner une autre journée. Mais je n’y ai pas écrit un seul mot.

Car la prochaine fois que j’écrirai, pour la première fois depuis très longtemps, il ne s’agira pas d’un réflexe. Il ne s’agira pas d’une obligation.

Il s’agira de la preuve que j’ai eu besoin des dernières années strictes pour écrire, et que j’aurai besoin des prochaines années libres pour composer.


  • 2016 : 76 047 mots écrits
  • 2017 : 143 723 mots écrits
  • 2018 : 178 587 mots écrits
  • 2019 : 212 250 mots écrits
  • 2020 : 153 345 mots écrits

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