La douleur en ce monde est inévitable. Elle s’attaque à tout le monde — parfois de manière évidente, parfois imprévisible. Il est impossible d’y échapper, mais il est possible de la vivre sans en souffrir. Aujourd’hui, je vous partage pourquoi et comment je m’exerce à séparer la souffrance de ma douleur.
Pourquoi séparer la souffrance de la douleur ?
D’un point de vue littéraire, la douleur et la souffrance sont identiques. Les deux font mal — c’est indéniable. Ces termes sont traités de la même façon dans notre société, mais il peut être bénéfique de les différencier dans notre esprit.
L A D O U L E U R
À mes yeux, la douleur désigne toutes les épreuves qui se présentent au cours d’une vie : la maladie (mentale ou physique), les conditions de vie difficiles, les accidents de voiture, les catastrophes naturelles, les événements tragiques… Ce sont des phénomènes que l’on peut difficilement contrôler ou prévenir. Ils affectent tout le monde, mais personne n’y réagit de la même façon.
L A S O U F F R A N C E
La souffrance, elle, représente l’état mental qui se manifeste après la douleur : le deuil face à la mort d’un proche, la peur que causent des moments horrifiants, la tristesse qui suit une rupture amoureuse, le mal-être provoqué par des insultes… L’événement douloureux en question peut n’avoir duré que quelques instants, la souffrance reliée continue à se manifester des années après le drame dans certains cas. Cependant, son intensité et sa longévité dépendent entièrement de l’esprit qu’on adopte pendant et après l’épisode de douleur.
Comment séparer la souffrance de la douleur ?
En considérant ces deux termes de façon différente, on arrive à les séparer : d’un côté, il y a le mal qu’on ne peut pas changer, et de l’autre, il y a le mal qu’on peut changer. Inutile de se concentrer sur ce premier puisqu’il est impossible de le contrôler. Le deuxième, cependant, n’obéit qu’à un seul facteur : nos propres pensées.
Je souffre d’anxiété sévère depuis que j’ai huit ans. Je connais donc le sentiment d’impuissance que l’on ressent face à notre esprit dans un moment de panique. Au cours de ces instants difficiles, il peut sembler impossible de regagner le contrôle de nos pensées. Je ne peux pas compter le nombre de batailles où j’ai laissé ma peur gagner. Mais au fil des années, j’ai développé une méthode qui m’aide toujours — et pas seulement lors d’une crise d’anxiété. Elle soulage tous les aspects de la souffrance que l’on rencontre dans une vie. C’est ce que je souhaitais partager aujourd’hui, en espérant que vous y trouverez également un outil.
M A M É T H O D E
Souvent, lorsque mon esprit est dominé par la souffrance, j’essaie de faire remonter en moi le sentiment suivant : « Si je pouvais prendre la souffrance du monde entier en ce moment et la vivre à la place de tous les autres êtres vivants, je le ferais. À travers ce mal, j’espère pouvoir soulager celui d’autrui. Je souffre pour qu’eux n’aient plus à le faire. »
Je songe ensuite aux épreuves que des gens sont en train de traverser présentement, quelque part sur le globe. Cette petite fille qui pleure la mort de sa mère — je m’occupe de sa peine. Cette famille qui vient de perdre leur maison à la suite d’un tremblement de terre — je m’occupe de leur souffrance également.
Puisque j’ai déjà mal, autant libérer le monde entier de ce poids en même temps. Il est très important de baser ce souhait sur la compassion et non pas sur une idée masochiste. L’objectif n’est pas de se faire souffrir plus qu’avant, mais de chercher à ce que les autres ne souffrent pas à nos côtés.
Cette pensée sincère transforme complètement mon esprit. Immédiatement, mon inconfort ne m’atteint plus autant, car c’est un sacrifice minime pour sauver le reste du monde de sa tristesse. Si je dois connaître ces difficultés pour que plus personne n’ait à le faire, alors je le ferai avec plaisir.
Bien sûr, ce n’est pas une formule magique : les gens ne cessent pas réellement de souffrir à l’instant même où j’ai cette pensée. Cependant, cela me donne une raison — même fictive — d’accepter mon mal actuel. Et en l’acceptant, son emprise sur moi devient infiniment moins imposante.
Je compare cette méthode au phénomène qui se produit lorsqu’on combat notre peur pour quelqu’un d’autre. Par exemple, il m’est arrivé d’attraper une araignée parce que mon amie en avait très peur. Si j’avais été seule, j’aurais été terrifiée et paniquée, mais puisque je le faisais pour quelqu’un d’autre, mon esprit n’était aucunement affecté par la situation. En cet instant précis, je préférerais souffrir pour que mon amie n’ait pas à le faire, et de ce fait, je ne souffrais plus.
La douleur encourage la souffrance, mais elle ne l’oblige pas.
C’est pour cette raison que deux personnes qui font face au même drame ne réagiront pas de la même façon. Il y a des gens qui développent un handicap et en deviennent totalement anéantis, tandis que d’autres réussissent à mener leur vie paisiblement. Il y a des gens extrêmement pauvres qui réussissent à être heureux malgré leurs conditions difficiles de vie, tandis que d’autres dans la même situation sont en grave détresse.
On ne peut pas contrôler la source de la douleur, mais celle-ci ne peut pas contrôler l’intensité de la souffrance qu’on en retire. Cela dépend entièrement de notre esprit. Puisque ces deux concepts semblent jumeaux, on a tendance à croire que notre tristesse nous est imposée par un événement extérieur, mais cette impression est trompeuse : ce n’est pas parce qu’un malheur se produit qu’on doit obligatoirement devenir malheureux. Il est possible de garder un esprit paisible même après un événement déroutant, aussi difficile cela peut-il être. Mais le premier pas est de reconnaître qu’il est possible de traverser la douleur sans souffrir, et c’est le plus important.
Lorsque vous souffrez, posez-vous la question : si je traversais volontairement cette même expérience pour aider un être cher, avec quel esprit le ferais-je ? Tentez ensuite de l’imiter.
Bon mercredi à vous. ♥