[Critique] Les Fragmentés par Neal Shusterman

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(Ne contient aucun spoiler important)

Le roman Les Fragmentés raconte une réalité où, suite à de nombreuses guerres opposant les Pro-choix et les Pro-vie, un règlement a été mis en place afin que les deux côtés puissent passer un accord de paix. Ses détails peuvent être résumés en trois principaux points :

1) Il est interdit de mettre fin à la vie d’un enfant à partir de sa conception jusqu’à ses 13 ans.

2) De 13 à 18 ans, les parents peuvent décider de fragmenter l’enfant : un processus qui récupère chaque partie du corps et qui les greffe à ceux dans le besoin.

3) La fragmentation n’est plus possible dès l’instant où un enfant a atteint ses 18 ans.

Un contexte qui, bien qu’original, me faisait douter d’avoir un quelconque potentiel d’intrigue. Heureusement, j’avais tort !


Partie I : Flot, contenu, style d’écriture.

Nous sommes lancés dans l’histoire rapidement puisque l’on apprend dès la première page la fragmentation du personnage principal. Contraire au début typique des dystopies, celui-ci connaît déjà son sort : l’auteur ne nous fait donc pas traverser un faux suspense dont l’issue est déjà destinée. Ce simple détail m’a fait sourire dès le premier chapitre.

Tout de suite après avoir absorbé le caractère du premier garçon introduit, nous sommes immédiatement présentés aux deux autres personnages essentiels à l’histoire. L’auteur nous offre sur ceux-ci trois chapitres courts, assez pour se faire une impression générale de ces nouvelles personnalités, et nous plonge directement dans l’intrigue du roman.

L’action se déroule à un rythme très rapide, toutefois sans paraître précipité. Le flot m’a donné l’impression de descendre une rivière rapide, bousculée par ses revirements et ses vagues : quelque chose de très approprié dans une situation où la vie de 3 personnages est complètement chamboulée.

Je pense qu’il s’agit du majeur point positif de ce roman. Le concept de cette société a beau sembler pauvre en détails, le débit de son récit est si entraînant qu’on ne le remarque même pas. Trop souvent on a vu des dystopies aux sociétés riches de précisions dont l’histoire traînait d’un pas lourd, et j’étais agréablement surprise que celle-ci sorte du lot.

Passons aux négatifs : les derniers chapitres du roman donnent une impression étrangère au ton général du roman. Le contenu en lui-même n’est pas hors sujet, mais la lenteur de sa progression m’a fait refermer le livre que je dévorais sans pause depuis des heures. Je l’ai bel et bien fini cependant, et je dois dire qu’il était audacieux de montrer aux lecteurs l’impact de cette société sur une autre situation. Je n’en dirai pas plus.

J’ignore si c’est dû à la mollesse des chapitres précédant la finale, mais celle-ci m’a laissée plutôt indifférente. La dernière page d’un roman est sensée nous faire bouillir d’hâte pour la suite. Dans ce cas-ci, s’il n’y avait pas eu de deuxième tome, je m’en serais contentée.


Partie II : Personnages.

En lisant Les Fragmentés, j’ai été agréablement surprise de ne pas ressentir ni désintérêt ni déception envers les personnages principaux. Ils m’ont même beaucoup plu, ce qui devient un phénomène rare si on se fie à mes récentes lectures dystopiques.

En me penchant un peu plus sur cette impression, j’en ai conclu qu’un important facteur avait joué dans mon appréciation des personnalités : l’écriture à la troisième personne. Ce qui me déplaît le plus, c’est d’avoir la sensation d’être attachée au premier rang sans le vouloir. Je ne pouvais pas me soucier moins de l’effet du toucher de Quatre sur Tris, sujet qui occupe probablement 10 pages du roman Divergence, ou des questionnements intérieurs de Cassia dans Promise. La troisième personne limite (bien sûr, il est toujours possible d’en abuser) cette impression de voir une histoire à travers les yeux de quelqu’un plutôt que de suivre l’histoire de quelqu’un. Plusieurs préfèrent la première version, mais c’est la deuxième généralement qui m’embarque le plus dans une histoire — Hunger Games étant une exception.

Également, l’auteur ne perd pas de temps avec des histoires de coeur complexes ou des triangles amoureux. L’emphase est mise sur la situation et l’histoire du roman, laissant place au développement des personnages sans jamais donner la priorité à cet aspect. Parlons de ceux-ci.

Connor, jeune homme qui pourrait être qualifié de délinquant. Il semble agir sous l’influence de ses impulsions, mais on apprend au fil du récit qu’il oeuvre toujours avec réflexion. J’ai beaucoup aimé son caractère et le fait qu’il soit placé involontairement dans des positions d’influence, sans pour autant en être affecté mentalement. Il n’entretient pas du tout la mentalité du Choisi que beaucoup de personnages principaux adoptent au fil d’un roman.

Risa, jeune demoiselle qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle ne donne sans pour autant pas l’impression d’être obstinée. Contrairement aux têtes fortes des autres dystopies, Risa est loin d’être insupportable : même, je me suis surprise à être charmée par la douceur dissimulée de son personnage. Elle vit les pieds bien au sol et ne se morfond pas dans un monde d’illusions. Son esprit est vif et détecte très rapidement les intentions des autres ; une qualité qui aura servi à elle et ses compagnons plus d’une fois.

Lev, garçon de 13 ans qui a été mis au monde avec une seule certitude pour le guider : il allait être décimé dès qu’il aurait atteint l’âge légal pour la fragmentation. Élevé par ses parents avec la conviction qu’il avait été choisi par Dieu pour offrir son corps aux gens dans le besoin, c’est le personnage qui a connu la plus grande évolution au cours du roman. Bien qu’il se déroule sur la même période de temps que les deux autres, le parcours de Lev est plus vaste que celui de Connor et de Risa. Je lève mon chapeau à l’auteur pour n’avoir jamais dépassé la limite de la tolérance avec ce personnage : ses erreurs n’ont jamais réussi à me le faire détester.

Mention spéciale à CyFi, un fabuleux personnage qui a su apporter une touche remarquable à ce roman.


Partie III : Conclusion

Je n’ai pas été spécialement marquée par ce roman, mais cela peut être considéré comme une bonne chose : trop d’oeuvres me sont inoubliables pour les mauvaises raisons. Les Fragmentés me laissera comme héritage le souvenir d’une dystopie qui ne m’a pas déçue. Je le conseille à ceux qui sont curieux de connaître une version différente des livres pour adolescents à succès de nos jours.

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Edit du futur : Les autres tomes de la série sont excellents, alors je vous encourage fortement à continuer votre lecture !

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