Une mélodie et un souvenir

Comme pour beaucoup de gens, la musique fait partie de mon quotidien : je voyage avec elle, je dors avec elle, je joue du piano avec elle, j’écris avec elle. Sa présence constante dans ma vie fait d’elle le témoin de nombreux événements. Aujourd’hui, je vous partage une mélodie avec un souvenir très distinct qui y est associé.


Il y a trois ans, j’ai décidé de marcher vers une direction qui m’était inconnue. Je n’étais pas encore familière avec ce quartier et je savais que si je me perdais, je ne possédais pas de téléphone intelligent pour me guider. Peu aventurière d’habitude, je me suis sentie cette fois-là animée par un vif désir d’explorer un nouveau chemin. Peut-être était-ce la chanson que j’écoutais qui me donnait envie de valser avec l’imprévu : il s’agissait de la chanson thème du film Howl’s Moving Castle, une pièce qui m’avait suivie depuis ma jeune enfance. Cette mélodie avait accompagné mon évolution au fil des années, et cette journée-là, j’ai eu l’impression qu’il me serait encore possible de grandir à ses côtés.

Sans réellement penser à la direction de mes pas, j’ai avancé selon la volonté du vent et j’ai graduellement découvert un monde sur lequel je n’avais jamais encore posé le regard. La familiarité du piano contrastait avec l’inconnu qui se présentait à moi. J’écoutais une chanson que je connaissais depuis une décennie, mais tout autour de moi était nouveau. Cette impression de balance masquait mes inquiétudes et me laissait baigner dans une paix totale. Aujourd’hui, si je tente de reproduire un état d’esprit serein, c’est souvent sur ces instants-là que je me base.

Cependant, la même chose peut être dite de la panique. Ce qui se trouvait à être un moment profondément paisible s’est rapidement transformé en terreur : j’ai éventuellement réalisé que je ne savais absolument plus où j’étais. Je marchais depuis 40 minutes et déjà, le soleil brûlant avait épuisé la plupart de mon énergie. J’avais soif, j’avais chaud et je n’avais aucun point de repère pour me situer — aucune carte, aucun téléphone, aucune familiarité. Si l’instant avant j’admirais la beauté de ces nouveaux paysages, leur défilement me paraissait désormais inquiétant. J’ai commencé à maudire les détails qui m’indiquaient que je n’étais toujours pas plus près de ma maison.

Pendant ce temps, la chanson thème d’Howl’s Moving Castle continuait de jouer en répétition dans mes écouteurs. Ses tons autrefois si charmants me semblaient maintenant agressants : les violons allaient trop vite, le son du piano était devenu violent, la mélodie tournait dans ma tête sans que je puisse en prendre le contrôle. J’avais l’impression d’entendre un autre fichier audio de la pièce, une version qui aurait remplacé l’ancienne sans que je ne m’en rende compte. Je marchais de plus en plus vite, combattant l’épuisement, mais les violons ne paraissaient pas ralentir ; dès que j’approchais leur rythme, celui-ci accélérait.

J’ai commencé à détester la musique que j’entendais. Cette chanson que j’adorais depuis si longtemps était désormais un ennemi, une arme utilisée pour me déstabiliser. Cette pensée était si puissante que j’ai même cru qu’en pesant sur l’option pause, il était possible que le son de mes écouteurs ne cesse pas. Que je sois à jamais hantée par ces notes, par cette beauté révélée comme un poison.

Heureusement, je me trompais, et le silence est finalement venu. La panique a diminué, mais le problème n’était pas encore réglé : je ne savais toujours pas comment revenir chez moi. J’ai donc continué à avancer en misant sur le hasard pour chaque direction que j’empruntais. J’avais décidé de continuer mon chemin sans musique. Éventuellement, j’ai commencé à reconnaître le paysage, et après des kilomètres d’épuisement, j’ai réussi à rejoindre ma maison.


La chanson thème d’Howl’s Moving Castle occupe une place spéciale dans mon coeur. Cette journée a été la seule au cours de laquelle j’ai entretenu une quelconque émotion négative face à sa mélodie. Non seulement je la trouve toujours aussi magnifique, je suis aujourd’hui fascinée par les transformations qu’elle peut subir.

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